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Le but de la Quatrième Biennale de la littérature de jeunesse est d'éclairer les enjeux de l'inscription de la littérature de jeunesse dans une culture transmédiatique sur les plans de la création, de la réception et de la médiation. 1er axe : création transmédiatique Si les dimensions économiques de la polyexploitation des fictions pour la jeunesse ont déjà été explorées, il nous semble qu'il est encore possible d'apporter des éclairages sur la manière dont les phénomènes d'inter- ou de transmédialité influent sur les pratiques de création et de narration (Cayatte et Goudmand, 2020). En effet, il n'est plus seulement question aujourd'hui d'adapter une œuvre en la transposant dans un autre système sémiotique, mais aussi souvent de la penser d'emblée dans sa dimension intersémiotique. On sera ainsi particulièrement attentif à tous les phénomènes d'hybridation qui traversent les œuvres contemporaines pour la jeunesse. Au cœur d'une production de l'industrie culturelle marquée par l'adaptation et la sérialité (Letourneux, 2017), il s'agira d'investir la question de l'intermédialité plus précisément du point de vue de la littérature de jeunesse : si certains auteurs de littérature de jeunesse se cantonnent à un registre moral de mise en garde contre les dangers des images, des écrans ou des pratiques numériques, d'autres auteurs semblent profiter pleinement de la dimension exploratoire propre à une littérature moins codifiée que la littérature générale (Hautbout et Wit, 2021). On pourra ainsi prolonger la réflexion amorcée lors du colloque intitulé La littérature de jeunesse dans le jeu des cultures matérielles et médiatiques : circulation, adaptations, mutations (Letourneux et Lévêque, 2014) en se demandant si la littérature de jeunesse ouvre la voie à des nouveaux objets transmédiatiques ou à des processus créatifs différents de ce qu'on observe en littérature générale. 2e axe : réception transmédiatique Les cheminements de réception des jeunes au sein des fictions transmédiatiques méritent d'être interrogés : que se passe-t-il lorsqu'on lit une œuvre avant d'en voir l'adaptation filmique, ou lorsqu'on découvre un univers fictionnel par le jeu vidéo ? Comment la temporalité de la réception, qui rétablit une nécessaire successivité, est-elle affectée par la dimension contemporaine de l'offre transmédiatique ? Dans la lignée des travaux menés sur les postures de réception du joueur (gameplay) et du lecteur (Bourassa et Poissant, 2013 ; Besson, Prince, Bazin, 2016), on peut s'interroger plus généralement sur les formes d'identification et d'immersion fictionnelle induites par les différents médias : on sait par exemple que la narration à la première personne est très rarement retenue par les récits iconiques ou visuels, alors qu'elle est fréquente en littérature ou dans le jeu vidéo. Enfin, on constate que le développement des cultures fans (cosplay, fanfictions, jeux de rôle, écritures numériques), qui brouillent les frontières entre pratiques amateures et professionnelles, rend ténue la ligne de partage entre création et réception, induisant une activité critique et productive du public qui mérite d'être analysée dans la perspective de la notion de participation (Jenkins, 2006). 3e axe : médiation transmédiatique De nombreux professionnels, dans l'éducation formelle et non-formelle, ressentent aujourd'hui la nécessité d'intégrer à l'enseignement de la littérature, et plus largement des arts, les dimensions transmédiatiques. Celles-ci s'avèrent toutefois source de déstabilisation pour les enseignants (Brunel, Acerra, Lacelle, 2023), ou sont perçues, au sein de l'institution scolaire ou des institutions culturelles, comme une concession faite aux pratiques culturelles des jeunes ou comme une simple propédeutique à l'enseignement de formes culturelles plus légitimes (Raux, 2023). Quels apprentissages la culture transmédiatique, désormais légitimée par les mondes universitaires et culturels, suppose-t-elle et permet-elle de soutenir ? L'adoption d'une perspective inter ou transmédiatique peut-elle développer des compétences pour la réception de la spécificité de chaque média ainsi que des « compétences multimodales » (Acerra et Lacelle, 2022) ? Si la réception de ces cultures nécessite des compétences expertes, quels dispositifs pourraient-ils permettre de les enseigner ? Quelles formations faudrait-il mettre en place pour accompagner les enseignants et les médiathécaires qui souhaitent didactiser ou médiatiser ces corpus transmédiatiques ?
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